Le marché primaire high yield n’est plus aussi indulgent – L’Agefi

Le marché primaire high yield n’est plus aussi indulgent

03/02/2022

Par Xavier Diaz
(L’Agefi) — Les reports d’émissions se multiplient sur le marché high yield comme un signe supplémentaire de la nervosité des investisseurs. Le marché crédit n’a pas échappé à la correction provoquée par le réajustement des anticipations de hausses de taux par la Fed et le haut rendement par la forte volatilité sur les marchés actions. Les prix sur le marché high yield euro ont reculé de 1,5% (en rendement total) en un seul mois.

«Il y a pas mal de nervosité en raison du réajustement à la hausse par le marché des évolutions de taux de la Fed», relève Benjamin Sabahi, responsable de la recherche chez Spread Research. A cela s’ajoute la multiplication des
événements idiosyncratiques. «Nous avons eu des alertes sur les résultats qui ont pesé sur le sentiment avec Elior ou Casino, notamment», poursuit ce dernier, auxquels il faut ajouter les accidents sur Orpea ou Saipem.

Cette nervosité s’est propagée au marché primaire dont le montant d’émissions a été divisé par deux en janvier par rapport à 2021. Une transaction reflète plus particulièrement l’état de ce marché et du sentiment des investisseurs.
WM Morrison, dont le financement de son rachat en LBO d’un montant de 7,5 milliards d’euros équivalents a été reporté en fin d’année dernière en raison des tensions sur le marché, a opté pour un placement privé de sa dette la plus risquée (obligations junior) de 1,2 milliard de livres (1,4 milliard d’euros). Cette opération a été menée dans un contexte toujours difficile afin de faciliter le placement sur le marché du reste du financement d’un montant de
6,6 milliards de livres (dont une partie devrait être en euros, au lieu de la transaction entièrement en livres initialement prévue).

Investisseurs sélectifs

La taille explique la difficulté à réaliser une telle opération mais d’autres émetteurs, dont la particularité est d’être peu connus par les investisseurs, se sont confrontés à la plus grande sélectivité des investisseurs.

«Tout va dépendre de l’émetteur et du prix, explique Benoît Soler, gérant chez Keren Finance. Un émetteur comme Loxam, qui est un acteur récurrent sur ce marché, a moins de difficulté, d’autant plus que le rendement offert pour son refinancement est en ligne avec le marché à 4,5%.» Cela devrait être plus compliqué pour le refinancement de dette et d’acquisition envisagé par WFS, dont l’activité est plus cyclique et qui affiche un levier élevé. «Le marché
est beaucoup plus précautionneux sur les dossiers qui sont peu connus», ajoute Benoît Soler. Ion Analytics, un spécialiste des data centers, a dû réduire le montant envisagé d’une émission en dollar et en euro avant de la geler dans
l’attente d’une accalmie sur le marché. En cause, une structure agressive (levier de 6) dans un secteur technologique particulièrement affecté par la hausse des taux.

Une autre opération connaît des difficultés: le refinancement de dette et d’acquisition de Covis Pharmaceuticals, une entreprise détenue par Apollo. Cette opération, dont le montant total est de 1,2 milliard de dollars, comporte une tranche de loans de 350 millions de dollars que les banques ont du mal à placer, selon Bloomberg, et une tranche obligataire en dollar et en euro de 850 millions de dollars équivalents. Cette transaction obligataire a été réduite à 350 millions de dollars, sur la seule tranche en euro, celle en dollar ayant été abandonnée. Elle n’a pas encore été placée. Les investisseurs estiment le risque mal rémunéré.

«Ils sont aussi plus sélectifs sur le marché primaire parce que les spreads se sont significativement écartés sur le secondaire et que tout le monde craint la décollecte», souligne par ailleurs Benoît Soler. Ce réajustement du marché
et cette plus grande sélectivité est vu par d’autres comme une opportunité. «Cela offre un bon point d’entrée, nuance Benjamin Sabahi. Une grande partie des mauvaises nouvelles sur les taux sont déjà intégrées dans les prix. De plus, nous anticipons cette année une nouvelle amélioration de la qualité de crédit et une poursuite du désendettement engagé en 2021.»